Dessinateur : Malec
Scénariste : Malec
Éditeur : Delcourt
Collection : Tapas
Genre : Satirique
Public : Tout public
Site officiel : Non
Sortie : 19 avril 2017
Prix : 21,50€
Statut de la série : Terminée en 1 tome
Un beau jour, Malec, français taquin qui a un avis sur tout même pour dire n’importe quoi, rencontre Kirika, miniature coréenne aussi candide que décidée. C’est le coup de foudre, le mariage et l’entente parfaite au moins sur un point : vivre au Japon. Il faut dire que Malec, dessinateur et storyboarder, a vécu trois ans au Japon, en quête de son rêve professionnel. Entre Tokyo, la France et les délires internet, voici donc les aventures quotidiennes d’un couple loufoque qui accuse les coups et les chocs culturels avec humour, langage cash et dérision sans jamais se fâcher avec quiconque.
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Malec (C) Copyright Delcourt 2017 |
Malec est connu dans la blogosphère pour sa participation au Turbomedia, média du net qui permet de mêler animation et BD, et dans lequel il aime conter avec un humour bien à lui son quotidien d’expatrié ou simplement comparer France et Japon. Le Monde à Malec est sa première BD publiée, preuve que décidément internet mène à tout et parfois à attirer l’attention des grands éditeurs tels que Delcourt. Mais ce n’est pas seulement un coup publicitaire pour l’éditeur tant le caractère bien particulier de l’auteur saute immédiatement aux yeux.
Même pour les lecteurs qui ignorent encore tout du phénomène Malec, le charme opère dès lors qu’ils ouvrent cet album sans parti pris, avec une saine curiosité et un peu d’amour pour le pays du soleil levant. Car Malec partage généreusement son point de vue sur tout et n’importe quoi mais bien souvent sur ce qui différencie méchamment nos deux cultures. Résultat : fous rires assurés. Que l’on soit ou non d’accord avec le franc parlé de Malec et de sa douce mais survoltée Kirika, chaque planche est un pur bonheur pour les zygomatiques. De leur rencontre fulgurante entre deux verres de trop à leur combat quotidien pour rester zen en toutes circonstances, tout y passe : l’ambivalence réactionnelle face à leur projet de mariage, leur envolée pour le Japon où ils veulent vivre, les nombreux versus France-Japon, les avis partagés ou non sur le travail de Malec, internet, la politique, l’histoire et ses arrangements, la vie de couple, les régimes, les hémorroïdes, la Japan Expo, les femmes des deux pays et surtout celles qui ont des atouts que Kirika n’a pas, le Japon vis-à-vis des étrangers qui y vivent et des autres en général…
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Malec (C) Copyright Delcourt 2017 |
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Malec (C) Copyright Delcourt 2017 |
Souvent saignant, jamais méchant, réaliste à 200% (peut-être trop…), Malec décrypte les à priori français par le prisme de quelqu’un qui vit ailleurs et a du recul, de même qu’il nous apportent quelques éclaircissements sains quant au Japon car dépouillé du halo fanatique des adorateurs aveuglés par sa pop culture.
Un petit échantillon des versus ? Le Japon où on peut vous mettre en prison pour avoir voulu importer du Munster, où on se fait arnaquer par des étrangers qui se font bailleurs pour expatriés au moins autant sinon plus que quand on veut louer un appartement en France, où dès que vous êtes étranger on vous trouve beau même si ce n’est pas vrai, où dès que vous parlez un peu le japonais on vous trouve génial même si vous ne connaissez que trois mots, où votre meilleur pote japonais ne comprendra jamais le drame de répéter à tue-tête et en public des gros mots français, où l’arrivée à l’aéroport est rangée au millimètre avec chacun à sa place dans un ordre fascinant… Et la France où l’arrivée à l’aéroport est un bazar de dingue, où tout le monde de fiche de vous quand vous faites un jogging, où un simple regard peut non pas vous apporter des amis mais des coups dans la tronche, où rien ne fonctionne et surtout pas les escalators alors que vous arrivez avec une méga valise, où votre môman hystérique de vous revoir ne veut plus que vous repartiez, où la bouffe est forcément hyper calorique, où le foot est une religion, où les enfant sont mal élevés et où la Japan Expo attire trop de monde qui n’a rien à y voir simplement parce que la pub et la com’ ça marche toujours !
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Malec (C) Copyright Delcourt 2017 |
Seul bémol pour les acharnés de l’orthographe et les obsédés de la syntaxe qui font une syncope à la moindre lettre manquante : Malec écrit comme il parle et ce mélange d’arguments percutants et de langage un rien zonard (dont sa douce Kirika ne manque d’ailleurs pas de se moquer) peu lasser le lecteur dont les poils se hérissent à la seule vue d’une virgule mal placée.
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Malec (C) Copyright Delcourt 2017 |
Pour envelopper tout ça, le dessin de Malec est à la fois minimal, satirique et parfaitement calé sur le ton humoristique de l’album. Le contraste entre le grand échalas Malec et la miniature adorable Kirika saute aux yeux, premier atout comique de la BD. Certes, les amoureux du trait de crayon artistiquement recherché repasseront car, basées sur la technique idéale du dessin comique avec traits simples qui définissent immédiatement les personnages et qui, grossis et exagérés, reflètent bien les fortes démonstrations émotionnelles (rire, énervement, larmes de crocodile…), les planches sont souvent dépourvues de cases, choix qui assure le message par une parfaite alliance à un texte qui prend parfois beaucoup de place pour dire peu de choses mais affirmer les convictions même délirantes de l’artiste. Les décors sont présents dans certaines histoires seulement, pour mieux alimenter le propos de Malec et permettent de situer sans faute chaque scène et le but recherché par la mise en lumière de telle ou telle anecdote ou situation. On remarque rapidement le savoir-faire de l’artiste en matière de storyboard tant l’enchainement fluide des vignettes ou saynètes s’accorde aux mots et fait systématiquement mouche pour mieux démontrer qu’un petit dessin vaut mieux qu’un long discours. Un vrai tour de force pour beaucoup d’artistes qui semble pourtant évident sous la plume de Malec.
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Malec (C) Copyright Delcourt 2017 |
Malin, accrocheur de par son franc parlé et sa verve qui semble ne connaître aucun tabou, le duo Malec et Kirika nous offre une fenêtre ouverte sur un quotidien virulent mais réaliste où la langue de bois est décidément interdite de séjour, chose qui fait du bien à notre époque trop policée ! Cet album est un régal de dépaysement mêlé d’humour qui s’adresse à tous sans se prendre au sérieux. Un vrai bonheur.
Points forts :
- Point de vue made in France d’un expatrié saignant mais hilarant
- Humour à 200%
- Que de la bonne humeur
- Duo vedette sympathique
- Franc parlé séduisant sujets variés sur le contraste France-Japon mais pas que
- Réalisme cynique mais bon-enfant
- Dessin simpliste mais adapté au ton de l’album, stylé satirique/comique
- Édition réussie et de qualité
Points faibles :
- Les maniaques de l’orthographe risquent de s’étrangler souvent…
Verdict : Un album à lire !!!