Dessinateur : Nicolas de Crécy
Scénariste : Nicolas de Crécy
Éditeur : Soleil
Collection : Noctambule
Genre : Beau livre illustré
Public : Tout public
Site officiel : Non
Sortie : 23 novembre 2016
Prix : 18,95€
Statut de la série : Terminée en 1 tome
Album esthétiquement soigné comme seuls les beaux livres le sont encore aujourd’hui, sans reliure, Un Monde Flottant, pépite délicate et de poétique, se déploie en accordéon ou en emaki (rouleau japonais), sous sa couverture cartonnée élégante et marquée d’idéogrammes.
Nicolas de Crécy est un amoureux du Japon, de son imaginaire (expositions de ses oeuvres notamment à l’Institut Français du Japon, Carnets de Tokyo, La République du Catch). Il sait en saisir la subtile poésie et la traduire pour nos yeux occidentaux affamés d’exotisme et idéaliste d’une culture que l’on peine parfois à appréhender tant ses codes et son histoire sont éloignés des nôtres.
Reprenant le périlleux exercice de l’illustration du haïku associé à la tradition de l’ukiyo-e popularisée à l’époque Edo mais apparue dès le 8e siècle, il réussit à allier vision contemporaine et traditionnelle du bestiaire fantastique ancestrale japonais, onirisme oriental et occidental.
Pourquoi l’ukiyo-e ? Par définition, cette estampe japonaise illustrait la seule certitude de l’homme aux yeux des japonais soit l’absolue éphémère nature de toute chose, or le haïku comme toute poésie, trace, avec des mots, cette vérité, s’attardant sur un instant de vie, témoin écrit d’une pensée furtive face à l’inexorable passage du temps. Cette vision universelle baptisée « monde flottant » (ukiyo) nous est parvenue par ces impression d’encre et de couleurs, en grande partie grâce aux œuvres de l’ère Edo. Fascinantes estampes qui inspirèrent nos impressionnistes et ne cessent de chuchoter aux pinceaux des artistes du monde entier tels que Nicolas de Crécy aujourd’hui.
Enveloppées dans leur couverture, les images se déplient, révélant les yokais, survivants des tourments culturels de l’Histoire errant avec malice, curiosité ou inquiétude dans les jardins baignés de neige de Kyoto, dans une forêt aussi ancienne qu’eux, au milieu des immeubles de la dense Tokyo, dans ses rues, aux abords de ses croisements, nichés et peut-être perdus quand ils ne décident d’en survoler le ciel ou d’affronter la vague d’Hokusai…
Autre emprunt direct à l’ukiyo-e, le design des yokais, grotesque, grimaçant ou inquiétant, tranche avec les paysages. Grossiers, ils inscrivent pourtant leur bizarrerie dans le réalisme des environnements. Nicolas de Crécy, fidèle à son style propre mais en lien direct avec l’art de l’image nippon et parfois chinois, a travaillé ses images par un fouillis minutieux de tracés à l’encre colorisés par l’aquarelle ou abandonnés au noir et blanc en une parfaite alliance avec le caractère fantomatique de certains yokais.
Les haïkus, respect du code stylistique oblige, font parler les images même si le dessin est priorisé. L’ensemble est cohérent, avec des images denses mais lisibles dans lesquelles la poésie se mêle à l’humour, la représentation naïve et évocation rêveuse de divinités aussi vieilles que le monde.
Ouvrage d’une qualité et d’une originalité rares par thématiques, son travail d’artiste, son audacieuse mise en page et sa construction à double lecture.
Points forts :
- Concept original et audacieux
- Adaptation culturelle respectueuse par une main française de grand talent
- Alliance texte/image idéalement proportionnée
- Mise en page évoquant les origines de l’art illustré japonais
- Qualité éditoriale + + +
- Lecture pour tous, tout âge
Points faibles :
Verdict : Un Excellent Tome !!!