Dessinateur : Kazuo Kamimura
Scénariste : Kazuo Kamimura
Éditeur : Kana
Collection : Sensei
Genre : Seinen, Historique, Drame
Public : + 16 ans
Contenu : 496 pages
Sortie : 4 janvier 2019
Prix : 18,00€
Statut de la série : Intégrale en 2 volumes
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Résumé
“Je m’appelle Sumire. La façon dont une femme mène sa vie ne regarde qu’elle. Si le simple caprice féminin a l’impétuosité de l’averse estivale, s’il ne dure pas plus que les lucioles surgies après la pluie, il symbolise la liberté de la femme.”
Notre critique
Japon, années 1970. Sumire, vingt ans, vend des sacs de luxe dans un grand magasin. Sa collègue et amie ne parle que de trouver un bon mari pour pouvoir arrêter de travailler, mais Sumire, elle, a d’autres plans. Avide de liberté et refusant de vivre sa vie dépendante des hommes, elle est prête à tout pour obtenir son indépendance, quitte à devoir vendre son corps pour cela.
Auteur du Fleuve Shinano (Kana) ou encore du Club des divorcés (Kana), primé en 2017 au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui lui a consacré une exposition, Kazuo Kamimura, tristement décédé en 1986, a gagné son succès grâce à ses œuvres dépeignant de manière poignante la société japonaise de son époque. Pourtant, il fait partie de ces auteurs dont on commence à peine à parler en France avec seulement une poignée de ses œuvres traduites en français, et ce depuis une dizaine d’années. C’est au tour de son manga Sumire Hakusho de rejoindre la collection Sensei des éditions Kana, rebaptisé Fleur de l’ombre pour l’occasion dans une édition intégrale en 2 volumes de 500 pages environ.
On découvre dans cette première partie du manga l’histoire somme toute assez tragique de Sumire (qui porte le prénom d’une fleur, la violette), jeune fille issue d’une aventure entre un homme ami d’un politicien influent et sa maîtresse. Le père, n’ayant jamais souhaité reconnaître sa fille pour éviter un scandale, se contente de rares visites et de sommes d’argent. La mère, ayant sombré dans la folie à force d’attendre le retour de l’homme qu’elle aime, finit par mettre fin à ses jours dans sa chambre d’hôpital psychiatrique.
Refusant catégoriquement de suivre son exemple, Sumire s’est juré qu’elle ne dépendrait jamais des hommes. Elle sort totalement de la norme de son époque, où les jeunes filles s’éduquent et travaillent quelques années avant de trouver un mari (souvent par le biais de miai, des rencontres arrangées visant à trouver un époux). Elle décide alors de se prostituer pour gagner sa vie et sa liberté.
Froide et tranchante dans ses propos, Sumire prend souvent un air inexpressif face aux autres. C’est une jeune fille fière et décidée, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et agit parfois de manière impulsive. Pourtant, la vie ne lui réserve pas de bonnes surprises, et chacune de ses mésaventures nous est présentée de manière absolument frappante. Chaque chapitre est doté d’un titre de quelques mots, dont le sens véritable (et parfois assez ironique) ne nous sera souvent révélé qu’à la toute dernière page, nous laissant totalement sans voix. Et malgré les airs que se donne Sumire en temps normal, dans ses moments de détresse, ses émotions nous touchent en plein cœur.
Véritable « fleur de l’ombre » à la beauté hors du commun, Sumire souffre, subit, se fait parfois humilier, mais elle vit pleinement et se saisit de tous les fragments de liberté qu’elle peut trouver dans cette société qui cherche à mettre les femmes en cage. Elle refuse ainsi la facilité et la soumission, quitte à ce que cette liberté soit synonyme de ténèbres. Et le trait délicat de Kazuo Kamimura la représente dans toute sa splendeur, jouant avec les ombres et les prises de vue, caricaturant au possibles les hommes qui prennent des allures de petits diablotins repoussants, et donnant à Sumire un charme irrésistible, empli de toute la mélancolie et de l’admiration qu’elle inspire.
On a en outre ici une très belle édition de la part de Kana, dont le grand format fait parfaitement honneur aux superbes illustrations de paysages qui occupent parfois des pages entières. La couverture et le papier sont très doux, et c’est un tome que l’on prend plaisir à rouvrir pour le feuilleter à nouveau.